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Tigre bleuté
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28 mai 2012

Quand Valérie Donzelli m'a donné envie de devenir femme

 

Une fois n'est pas coutume, je vais parler ici d'une actrice. J'ai moi aussi un côté midinette qui scrute parfois le physique des actrices, dans une sorte de comparaison, même si je suis une fervente opposante aux clichés sur les troubles alimentaires, qui « accusent » les filles de vouloir « ressembler » aux mannequins des magazines, aux femmes de la télé, aux chanteuses. C'est totalement faux. Quand je suis tombée dans l'anorexie à dix huit ans, j'étais un mélange de jeune fille amoureuse déçue, fleur bleue, et mal dans sa peau. Jamais je n'ouvrais les magazines. Si j'allumais le téléviseur, je n'y voyais rien, que le visage de l'homme que j'aimais, qui s'interposait entre mes yeux et tout. Je n'avais de regard que pour lui, et j'étais fermée à tout le reste. C'était la première fois que je tombais dans l'amour, le vrai amour amoureux, j'entends, celui où l'on n'a pas de défenses. Je n'en avais aucune. Et ce qui est bizarre c'est que mon anorexie, presque au même moment a été mon deuxième amour. Un amour nourrissant l'autre.

Tout cela pour dire que les actrices n'ont jamais été pour moi un modèle pour me faire « tomber » dans la maladie.

 

Hier soir je regardais ce film, dont j'ai oublié le nom. Ca parle d'un couple qui n'arrive pas à se séparer. Lui, acteur, l'a quittée une première fois, pour une autre femme. Puis est revenu. Elle l'a repris. Cela arrive après tout. Mais ensuite, il prétend faire des voyages de plusieurs semaines, alors qu'il va retrouver une autre femme. Jeune, jolie, blonde, souriante pétillante. C'est la femme pour qui il l'avait quittée la première fois. Et en plus, plutôt sympa. On arrive pas à lui en vouloir. Elle (Valérie, alias Marie dans le film) le découvre. Elle ne le quitte pas pour autant. Lui a du mal avec le fait qu'elle soit enceinte.

Quelque chose les lie si fort qu'ils en viennent à accepter l'inacceptable. Ils n'arrivent pas, à franchir le pas, de vivre l'un sans l'autre.

A la fin du film, ils se haïssent aussi fort qu'ils s'aiment. « Tu me dégoûtes », lui dit-il, éructant de haine. « On dirait une baleine » (elle est à neuf mois de grossesse).

« Mais pourquoi tu es revenu ?! » lui hurle-t-elle.

« Mais pourquoi restes-tu avec moi !!!!! » lui hurle-t-il.

 

« Pour la même raison que toi ».

 

Ce film, assez fort pour moi, parce qu'il me décrit une relation de couple « hors norme », c'est à dire un couple coincé, qui n'arrive pas à libérer les deux protagonistes de l'histoire.

A un moment, juste avant que le film ne se ferme, on a vraiment l'impression que ça y est, il va la battre. Ils vont déraper. On a un peu peur. Elle est très enceinte. En plus...

 

Je raconte un peu le film, alors que c'est de l'actrice que je voulais parler au départ. Valérie Donzelli n'est pas une actrice très connue, ni trop sous les feux des projecteurs. On a un peu plus parlé d'elle, récemment, dans les médias, grâce au film « la guerre est déclarée ».

Le film d'hier est le deuxième film dans lequel je la voyais jouer.

Eh bien, elle a laissé, en moi, une trace positive.

Je l'ai trouvée belle. Belle à mon sens, parce qu'elle a ce côté un peu calme, un peu pur. C'est une personne qui fait très juste, très naturelle. Ils n'ont pas besoin de beaucoup la maquiller, parce qu'elle n'a pas besoin de ça. Son teint est assez pâle, lumineux. De longs cheveux châtains, parfois attachés, parfois tombant sur les épaules. Une jolie fille, naturelle, que l'on pourrait croiser dans la rue. Bien sûr, les hommes se retourneraient, parce qu'elle est belle, mais sans chichis. Je la vois tout à fait parmi les gens du métro parisien serrés comme des sardines, assise, stoïque, en train de lire un journal. Une voix posée. Son personnage est d'ailleurs assez posé dans tout le film (c'est d'ailleurs ce que son partenaire reproche à son personnage : « mais rien ne t'atteint ! On dirait que tu n'en as rien à foutre ! »

Moi, je me suis dit, si je devrais ressembler à une personne célèbre (comme un jeu que l'on fait quand on a dix ans) j'aimerais bien ressembler à Valérie Donzelli.

C'est ma nouvelle actrice-à-qui-j'aimerais-bien-ressembler.

Qui sait, demain cela sera peut-être une autre.

Parce que justement, le but est que je me ressemble à moi-même.

Mais quoi qu'il en soit, je la revois, son personnage, enceint, allongé sur son lit, la peau laiteuse et je me dis, mais regarde là. Elle est juste-bien-comme-il-faut.

Ses épaules, ses mollets à peine plantureux, formant une jolie courbe. Un visage ovale, avec des joues, remplies, mais harmonieusement remplies.

Elle a pas besoin de faire de régimes.

Quand tu regardes la courbe de ses épaules, ou son corps, eh bien , c'est cela une fille mince. Ce n'est pas une fille maigre, c'est une fille mince, bien équilibrée.

Une belle fille quoi.

Il n'y a pas d'os saillant de partout.

Et moi, ce matin, je vois mes mollets, je vois mes épaules desquelles les os veulent s'échapper à travers leur filet de peau, je vois la colonne vertébrale et le coccyx qui se déssèchent, et je me dis :  « c'est pas ça du tout, Sarivi. Tu n'as rien compris ».

Ce n'est pas ça, être mince et équilibrée. Ce n'est pas ça, être une femme. Et ma foi, parfois, je voudrais bien être une femme.

Je ne suis donc, jamais tombée dans l'anorexie à cause de l'image d'une mannequin ou d'une actrice. Moi c'est le contraire. C'est l'image d'une actrice, en l’occurrence, qui me procure un déclic positif et qui pourrait me rassurer quand j'ai peur d'en sortir. (En sortir = forcément à un moment donné passer par la case prendre du poids).

Alors je croque, je déguste, je cuisine de bonnes saveurs sans culpabiliser (en essayant de ne pas culpabiliser parce que ma maladie existe bel et bien) et je me cherche. Je cherche la femme que je serai, moi. Comment serais-je avec des bras un peu plus épais, des épaules un peu plus rondes ? Comment serai-je quand j'aurai laissé mes joues se remplir un peu ?

La question en suspens est : laccepterai-je ? Est-ce que cela m'ira ?

Alors. Tout cela fait très peur, mais parfois, et voir une belle femme comme Valérie D m'encourage. Ca m'encourage à trouver la vraie femme qui pourrait bien exister en moi. Et à faire en sorte que ce pantin déséquilibré que je suis, lui laisse enfin la place.

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